charles peguy la mort n est rien

Iln'a été publié qu'après la mort de Péguy, qui n'en est donc pas non plus le traducteur. Bref : saint Augustin a-t-il écrit le moindre texte qui ressemble à celui-ci ? Et qui en est l'auteur ? La mort n'est rien : je suis seulement passé, dans la pièce à côté. Je suis moi. Vous êtes vous. Ce que j'étais pour vous, je le suis Lamort n'est rien, je suis simplement passé dans la pièce à côté. Je suis moi, vous êtes vous, Ce que nous étions les uns pour les autres, nous le sommes toujours. Donnez-moi le nom que vous m'avez toujours donné, Parlez-moi comme vous l'avez toujours fait, N'employez pas un ton solennel ou triste, Continuez à rire de ce qui nous faisait rire Lamort n est rien charles peguy. Date de publication: 05.11.2021. En attendant ce moment il faut continuer à les laisser rester près de nous car nos enfant ne nous quittent jamais ils font partie de nous et sont en nous. Je ne suis rien sans lui. Profite bien de ton bain ; Et ptet à tout à l'heure hotel costa del sol benalmadena, Take care LaMort N Est Rien L Esprit La mort n'est rien, je suis seulement passé, dans la pièce à côté. La mort n'est rien, je suis seulement passé, dans . Je suis moi et vous êtes vous. (souvent lu lors des obsèques, ce poème est parfois aussi attribué à st augustin ou encore à charles péguy). Ce que j'étais pour vous, je le suis toujours Lamort n'est rien. Je suis seulement passé de l'autre côté. Je suis moi. Tu es toi. Ce que nous étions l'un pour l'autre, nous le sommes toujours. Donne-moi le nom que tu m'as toujours donné. Parle-moi comme tu l'as toujours fait. N'emploie pas de ton différent. Ne prends pas un air solennel, triste. Continue à rire de ce qui nous faisait rire Recherche Site De Rencontre Gratuit Au Canada. Citation de Charles Peguy Trouvez la citation idéale de Charles Peguy parmi 80 citations, proverbe, phrase, dicton, interview ou bon mot. Page 2 sur un total de 4 pages. <2345Liste de citations - Charles Peguy - Ses plus belles citationsHeureux ceux qui sont morts car ils sont retournés Dans la première argile et la première terre. Charles Péguy / Ève - Charles Péguy Heureux ceux qui sont morts dans une juste guerre Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés. Charles Péguy / Ève - Charles Péguy Homère est nouveau ce matin et rien n'est peut-être aussi vieux que le journal d'aujourd'hui. Oeuvres en prose, 1909-1914 édition 1961 - Charles Péguy Le kantisme a les mains pures par malheur, il n'a pas de mains. Victor-marie, comte hugo, dans Œuvres en prose complète, charles péguy, éd. gallimard, 1992, p. 331 - Charles Péguy C'est le propre du génie de procéder par les idées les plus simples. Pensees - Charles Péguy Heureux ceux qui sont morts car ils sont retournés Dans la première argile et la première terre. Heureux ceux qui sont morts dans une juste guerre Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés. Eve - Charles Péguy Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles. Couchés dessus le sol à la face de Dieu. Heureux ceux qui sont morts sur un dernier haut lieu Parmi tout l'appareil des grandes funérailles. Eve - Charles Péguy Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle, Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre. Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre. Heureux ceux qui sont morts d'une mort solennelle. Eve - Charles Péguy Le reste d’une société peut passer, truqué, maquillé ; l’enseignement ne passe point ; quand une société ne peut pas enseigner, ce n’est point qu’elle manque accidentellement d’un appareil ou d’une industrie ; quand une société ne peut pas enseigner, c'est que cette société ne peut pas s'enseigner ; c'est qu'elle a honte, c'est qu'elle a peur de s'enseigner elle-même ; pour toute humanité, enseigner, au fond, c'est s'enseigner ; une société qui n'enseigne pas est une société qui ne s'aime pas ; qui ne s'estime pas ; et tel est précisément le cas de la société moderne. Pour la rentrée - Charles Péguy Le monde moderne a créé une situation nouvelle, nova ab integro. L'argent est le maître de l'homme d'Etat comme il est le maître de l'homme d'affaires. Et il est le maître du magistrat comme il est le maître du simple citoyen. Et il est le maître de l'Etat comme il est le maître de l'école. Et il est le maître du public comme il est le maître du privé. Et il est le maître de la justice plus profondément qu'il n'était le maître de l'iniquité. Et il est le maître de la vertu plus profondément qu'il n'était le maître du vice. Il est le maître de la morale plus profondément qu'il n'était le maître des immoralités. Note conjointe sur M. Descartes - Charles Péguy Je parlerai un langage grossier. Je dirai Pour la première fois dans l'histoire du monde l'argent est le maître du curé comme il est le maître du philosophe. Il est le maître du pasteur comme il est le maître du rabbin. Et il est le maître du poète comme il est le maître du statuaire et du peintre. Note conjointe sur M. Descartes - Charles Péguy Je l'ai dit depuis longtemps. Il y a le monde moderne. Le monde moderne a fait à l'humanité des conditions telles, si entièrement et si absolument nouvelles, que tout ce que nous savons par l'histoire, tout ce que nous avons appris des humanités précédentes ne peut aucunement nous servir, ne peut pas nous faire avancer dans la connaissance du monde où nous vivons. Il n'y a pas de précédents. Pour la première fois dans l'histoire du monde les puissances spirituelles ont été toutes ensemble refoulées non point par les puissances matérielles mais par une seule puissance matérielle qui est la puissance de l'argent. Note conjointe sur M. Descartes - Charles Péguy Il fallait qu’un bâton de chaise fût bien fait. C’était entendu. C’était un primat. Il ne fallait pas qu’il fût bien fait pour le salaire ou moyennant le salaire, il ne fallait pas qu’il fût bien fait pour le patron, ni pour les connaisseurs, ni pour les clients du patron, il fallait qu’il fût bien fait lui-même, en lui-même, pour lui-même, dans son être même. Mystique et Politique - Charles Péguy Il me faut une journée pour faire l'histoire d'une seconde. Il me faut une année pour faire l'histoire d'une minute. Il me faut une vie pour faire l'histoire d'une heure. Il me faut une éternité pour faire l'histoire d'un jour. On peut tout faire, excepté l'histoire de ce que l'on fait. Clio, dialogue de l’histoire et de l’âme païenne ; nouvelle Pléiade, 1992, tome III p. 1147 - Charles Péguy Que le lecteur sache lire et tout est sauvé. Cahiers de la quinzaine, IV, 18, 12 mai 1903, Débats parlementaires » ; nouvelle Pléiade, 1987, tome I p. 1103. - Charles Péguy Enseigner à lire, telle serait la seule et la véritable fin d'un enseignement bien entendu que le lecteur sache lire et tout est sauvé. Charles Péguy, Cahiers de la quinzaine, IV, 18, 12 mai 1903, Débats parlementaires » ; nouvelle Pléiade, 1987, tome I p. 1103 - Charles Péguy Le classique se connaît à sa sincérité, le romantique à son insincérité laborieuse. Cahiers de la quinzaine, III, 6, 28 décembre 1901, préface à La Grève de Jean Hugues » ; nouvelle Pléiade, 1987, tome I p. 862. - Charles Péguy C'est une illusion dangereuse que de croire que l'on peut publier sans recevoir, écrire sans lire, parler sans écouter, produire sans se nourrir, donner de soi sans se refaire. Charles Péguy, Cahiers de la quinzaine, III, 5, 19 décembre 1901, Lettre à M. Charles Guieysse » ; nouvelle Pléiade, 1987, tome I p. 858 - Charles Péguy Il y aura dans tes cahiers beaucoup plus d’édité que d’inédit. Mais il y a tant d’inédit que tout le monde connaît d’avance, il y a tant d’édité que tout le monde ignore. Charles Péguy, Cahiers de la quinzaine, I, 1, 5 janvier 1900, Lettre du Provincial » ; nouvelle Pléiade, 1987, tome I p. 298. - Charles Péguy Flatter les vices du peuple est encore plus lâche et plus sale que de flatter les vices des grands. Bulletin d'informations et de recherches édition 2004 - Charles Péguy Page 2 sur un total de 4 pages. <2345 - Albert Camus - François Cavanna - Louis-Ferdinand Destouches, dit Céline - Aimé Césaire - Jules César - Coco Chanel - Charlie Chaplin - René Char - François René, vicomte de Chateaubriand - sir Winston Leonard Spencer Churchill - Cicéron - Emil Michel Cioran - Cassius ou Mohammed Ali Clay - Georges Clemenceau - Jean Cocteau - Paulo Coelho - Albert Cohen - Sidonie Gabrielle Colette - Michel Colucci, dit Coluche - Confucius - Coran - Pierre Corneille - Savinien de Cyrano de Bergerac - Boris CyrulnikLes naissances et les décès de personnages célèbresIls sont nés ce jour Charles Peguy - Découvrez notre sélection des meilleures citations et proverbes de Charles Peguy Alain Abbé Pierre Alphonse Allais Woody Allen Apollinaire Aragon Aristote Audiard Balzac Baudelaire Beigbeder Bible Christian Bobin Bouddha Brel Camus César Coco Chanel Paulo Coelho Céline Chruchill Coluche Confucius Coran Pierre Dac Dalaï-Lama Frédéric Dard Desproges Dictons Einstein Freud Mohandas Karamchand Gandhi Khalil Gibran Che Guevara Sacha Guitry Victor Hugo Martin Luther King Lao-Tseu Napoléon Ier Friedrich Wilhelm Nietzsche Platon Prévert Saint-Exupéry Sénèque Shakespeare Socrate Boris Vian Voltaire Oscar Wilde Jean Yanne L’historien Jean-Pierre Rioux publie en ce début d’année La mort du Lieutenant Péguy, un livre qui retrace l’expérience de guerre du grand écrivain jusqu’à sa mort le 5 septembre 1914. Occasion de revenir sur la conception de la guerre du directeur des Cahiers de la Quinzaine. soldats français en 1914 Charles Péguy est mort debout. En soldat honorable, en soldat vertical. Arrivée au croisement de la route d’Yverny-la Bascule et de Chauconin, la 19e compagnie de Péguy reçoit l’ordre d’attaquer les Allemands embusqués à quelques centaines de mètres de là. Fièrement dressé, Péguy commande le feu Tirez, tirez, nom de Dieu ! » Quelques instants plus tard, il est frappé d’une balle en plein front et s’écroule dans une plainte Ah ! mon Dieu… Mes enfants ! » Parmi les nombreux hommages consécutifs à la mort de Péguy, celui de son ami Daniel Halévy se distingue par sa lucidité Je ne pleurerai pas son héroïque fin. Il l’a cherchée, il l’a trouvée, il était digne d’elle […] Ne le plaignons pas. Cette mort, qui donne à son œuvre le témoignage, la signature du sang, il l’a voulue. » En effet, Péguy a toujours eu une haute conscience de l’honneur et une admiration pour la figure du soldat. Cette mort est celle qui lui ressemble le plus. Sa vie aura été celle d’un soldat de plume, sa mort, celle d’un soldat tout court. Soldat, Péguy l’était indiscutablement. Soldat français, Péguy l’était d’autant plus. Dans sa Note conjointe sur M. Descartes, il s’applique à distinguer deux conceptions radicalement opposées de la guerre. D’un côté, la conception française héritée de la chevalerie et dont la finalité est l’honneur, de l’autre, la conception allemande héritée de l’Empire romain et dont la finalité est la victoire. Le soldat français se bat pour des valeurs, le soldat allemand se bat pour gagner. Aux yeux de Péguy, la logique de guerre allemande trouve son origine dans l’épisode du cheval de Troie. Ce n’est donc pas un Romain, mais le Grec Ulysse qui a le premier privilégié l’issue de la bataille à la bataille en tant que telle. Plus question pour le fis d’Ithaque de respecter un code, mais bien plutôt d’utiliser la ruse et d’être fidèle à sa réputation d’homme au mille tours ». Pour Péguy, le système de guerre français est basé sur le duel tandis que le système de guerre allemand est basé sur la domination. Il prévient la guerre entre la France et l’Allemagne ne peut pas être envisagée comme un duel à grande échelle puisque seule une des parties engagées respecte les règles chevaleresques du duel. Français et Allemands font la guerre, ils se font la guerre, mais ils ne font pas la même guerre. Je dirai Il y a deux races de la guerre qui n’ont peut-être rien de commun ensemble et qui se sont constamment mêlées et démêlées dans l’histoire […] Il y a une race de la guerre qui est une lutte pour l’honneur et il y a une tout autre race de la guerre qui est une lutte pour la domination. La première procède du duel. Elle est le duel. La deuxième ne l’est pas et n’en procède pas », explique Péguy. soldats allemands en 1914 Péguy estime que, lorsqu’on fait la guerre, la fin ne justifie jamais les moyens. Pour le soldat français, c’est plutôt les moyens qui justifient la fin. Vaincre ne compte pas pour le chevalier, ce qui compte c’est de combattre, de bien combattre. En revanche, pour le soldat allemand, la manière importe peu, seule la victoire compte, qu’elle se fasse dans l’honneur ou le déshonneur concepts étrangers à cette race de la guerre ». Il y a une race de la guerre où une victoire déshonorante, par exemple une victoire par trahison, est infiniment pire, et l’idée même en est insupportable, qu’une défaite honorable, c’est-à-dire une défaite subie, et je dirai obtenue en un combat loyal », affirme Péguy. Chevalier et samouraï Ces deux systèmes de guerre s’inscrivent dans une tradition à la fois temporelle et spirituelle. Pour nous modernes, chez nous l’un est celtique et l’autre est romain. L’un est féodal et l’autre est d’empire. L’un est chrétien et l’autre est romain. Les Français ont excellé dans l’un et les Allemands ont quelquefois réussi dans l’autre et les Japonais paraissent avoir excellé dans l’un et réussi dans l’autre », note-t-il. Le chevalier, comme le samouraï, est une incarnation temporelle du spirituel. Leur sacrifice éventuel est une preuve du primat en eux du spirituel sur le temporel. Le soldat allemand en revanche, parce qu’il recherche la domination, est prêt à sacrifier du spirituel pour du temporel, des valeurs, pour la victoire. Cette référence au soldat japonais nous ramène à un autre texte de Péguy, Par ce demi-clair matin, publié après la crise de Tanger en 1905. Péguy revient sur le sentiment d’assurance qui caractérise la nation française avant la défaite de 1870, un sentiment qui peut se résumer ainsi […] la France est naturellement et historiquement invincible ; le Français est imbattable ; le Français est le premier soldat du monde tout le monde le sait. » Dans Leur Patrie, Gustave Hervé, dont l’antimilitarisme insupporte Péguy, se moque de cette assurance […] il suffit de connaître l’histoire militaire du peuple français pour constater qu’il n’en est peut-être pas un seul en Europe qui compte à son actif tant de défaites mémorables, anciennes ou récentes », écrit-il. Ce à quoi Péguy répond […] et il est sans doute encore plus vrai que le Français dans les temps modernes est le premier soldat du monde ; car on peut très bien être le premier peuple militaire du monde, et être battu, comme on peut très bien être le premier soldat du monde et être battu. » un samouraï Le seul soldat comparable au soldat français est le soldat japonais. L’équivalent japonais du chevalier courtois est le samouraï. Le même sens de l’honneur anime ces deux figures du combattant. Le chevalier est un samouraï d’occident, comme le samouraï est un chevalier d’orient. Ces deux soldats ont le duel comme modèle, ce qui n’est pas le cas du soldat allemand. Le soldat allemand est puissant dans le mesure où il est une des parties de l’armée. En tant qu’individu, il n’a pas la même valeur que le soldat français ou japonais. L’Allemagne a une grande armée, mais n’a pas de grands soldats. La France et le Japon ont une grande armée et de grands soldats. […] quand nous nous demandons si la France a encore la première armée du monde, à quel terme de comparaison pensons-nous ? nous pensons immédiatement à une autre puissance, à une autre armée, à l’armée allemande […] de savoir si la France est ou n’est pas encore le premier peuple militaire du monde, si le Français, particulièrement, est ou n’est pas encore le premier soldat du monde, à quel terme de comparaison pensons-nous ? pensons-nous encore au peuple allemand, au soldat allemand ? non ; nous pensons immédiatement au peuple japonais, au soldat japonais […] » Le sacrifice du lieutenant Péguy le consacre définitivement chevalier, le consacre définitivement samouraï. Par sa conduite exemplaire sur le champ de bataille, il a prouvé qu’il n’était pas un patriote livresque, mais un patriote authentique. Le 17 septembre 1914, dans L’Écho de Paris, Maurice Barrès lui consacre un article visionnaire Nous sommes fiers de notre ami. Il est tombé les armes à la main, face à l’ennemi, le lieutenant de ligne Charles Péguy. Le voilà entré parmi les héros de la pensée française. Son sacrifice multiplie la valeur de son œuvre. Il célébrait la grandeur morale, l’abnégation, l’exaltation de l’âme. Il lui a été donné de prouver en une minute la vérité de son œuvre. Le voilà sacré. Ce mort est un guide, ce mort continuera plus que jamais d’agir, ce mort plus qu’aucun est aujourd’hui vivant. » FIGAROVOX/TRIBUNE - À l'occasion de l'Assomption, le philosophe Damien Le Guay souligne la foi incarnée que vouait à la Vierge l'auteur, mort à la guerre il y a cent Le Guay est philosophe. Son Dernier livre, Les Héritiers Péguy», est paru en 2014 Éditions Bayard.Le 15 août 1914, le lieutenant Charles Péguy, assiste à la messe de l'Assomption dans l'église de Loupmont - dans la Meuse. Depuis presque dix ans, il sait cette guerre inévitable. Depuis quinze jours, il est sous les drapeaux. Je pars, dit-il, soldat de la République, pour le désarmement général, pour la dernière des guerres.» Un Dieu qui mord » a planté sa dent dans son cœur. Il est harponné. Le 3 septembre, il passera la nuit à déposer des fleurs au pied de la statue de la Vierge dans la chapelle de la butte de Montmélian - aux alentours de Vémars. Et le 5 septembre, à Villeroy près de Meaux, il meurt debout, frappé par une balle en plein front. Sa Grande Guerre aura été courte elle aura duré un partir de 1907, ce socialiste impénitent, trop pur pour être encarté, sent monter en lui, comme un fleuve par-dessus la digue, une foi chrétienne. Elle vient au bout de son socialisme et de son combat pour Dreyfus. Ce retour n'est pas une démission ; son catholicisme ne sera pas une capitulation. Un Dieu qui mord» a planté» sa dent» dans son cœur. Il est harponné. Mais tout seul. Seul au milieu de ses amis, seul dans sa famille, seul parmi les chrétiens. À rebours des autres, il ne cessera de lutter - comme Jacob avec l'ange. Vers qui se tourner? Vers les théologiens catholiques? Ils sont trop raides», trop assurés d'eux-mêmes. Vers les curés»? Ils laissent croire», dit-il, qu'il n'y a» pour être catholiques que les sacrements» - alors que Péguy en est exclu, lui qui n'est pas marié religieusement. Il lui reste les prières, le catéchisme, les paraboles et les saints. Je suis de ces catholiques, dira-t-il, qui donneraient tout Saint Thomas pour le Stabat, le Magnificat, l'Ave Maria et le Salve Régina.» Toutes ces prières à la Vierge sont à disposition. À portée de main. Il suffit de les dire, pour entrer en communion avec Dieu. De les murmurer pour déposer les armes au pied de Celle qui est l'avocate des causes perdues. De les réciter pour s'expliquer et s'ausculter le cœur et surtout faire la paix avec Péguy sait que la grâce s'engouffre en courant d'air dans un cœur attendri, qu'elle colmate les âmes blessées. soi-même. Péguy le fera de textes en emportements, de dialogues en prières, comme une géniale confession à livres ouverts. Il sera le chrétien des épreuves à surmonter et non des preuves à donner. Que va-t-il comprendre avec Marie, loin des traités de théologie et de la logique trop imparable des philosophes?D'abord la puissance de consolation d'une Mère. Un jour, pour s'en sortir, sans en parler à son épouse incroyante, Péguy s'en vient prier. Il est tout plein d'une grande colère», et d'une grande violence», et d'une grande dévotion», et submergé de tracas familiaux. Avec hardiesse, il remet ses enfants entre les bras de la Sainte Vierge». Si le Fils prend tous les péchés», la Mère a pris toutes les douleurs». Péguy s'en retourne confiant, rasséréné. Il en sera toujours ainsi. Quand il se débarbouille l'âme, avance sur le chemin caillouteux de la grâce», offre ses paquets de peines, il se tourne vers Notre-Dame. Il marchera trois fois vers celle de Chartres. Trois pèlerinages pour lui confier la maladie de ses enfants, la mort d'un ami, des tentations d'infidélité. Grâce à la maîtresse du Marie est la plus près de Dieu parce qu'elle est la plus près des hommes ». raccordement», il sera remis au centre de misère», dans l'axe de détresse». Et malgré tous ces coups de fortune» et de malendurance et de brutalité», il ne sera pas détourné. Toujours, il s'offre dans son cœur sacramentaire.»Ensuite le pèlerin va vers Celle qu'il nomme refuge du pécheur». Quand Maritain, converti en même temps que lui, offre à l'Église sa soumission, Péguy, lui, offre à Dieu ses péchés. Il sait que les péchés se déposent et sont au centre du mécanisme chrétien». En creux, en négatif, le pécheur est chrétien. Et il n'y a pas de chrétiens sans péchés. Les reconnaître, les mettre devant soi, fait entrer dans ce dialogue salutaire du saint et du pécheur. Le saint donne la main au pécheur.» Il l'aide ; répond toujours présent. Une entraide spirituelle s'instaure. Un dialogue dans le ventre du cœur» s'établit aussi avec la reine de tous les saints».Ensuite la maîtresse des secrets» le pousse toujours du côté de la tendresse. Péguy sait que la grâce s'engouffre en courant d'air dans un cœur attendri, qu'elle colmate les âmes blessées. Et dans sa Prière de confidence, il dit garder notre pauvre tendresse» non par vertu»car nous n'en avons guère», non par devoir»car nous ne l'aimons pas», mais pour mieux prendre le mal dans sa pleine justesse». Et ailleurs, dans le dialogue qu'il instaure avec la Sainte Vierge», il reconnaît n'être pas du même avis qu'elle. Lui est encore du côté de la justice, quand elle est toujours pour la miséricorde». Il finira par être de son côté. Et ainsi trouvera la paix du la Vierge-Mère lui fait comprendre ce qu'est une âme charnelle». Marie est la plus près de Dieu parce qu'elle est la plus près des hommes». Et si à toutes les créatures, il manque quelque chose», à elle il ne manque rien». Elle est humaine et innocente ; charnelle et sans taches. Unique. En parfait ajustement. Pour Péguy, tout est là dans ce lien mystérieux», créé par Dieu, dans cette liaison du corps et de l'âme». Il reproche aux curés de discréditer le monde, et les hommes qui s'y engagent, pour mieux préserver» Dieu. Il faudrait choisir et mépriser l'ici-bas» pour mieux sauver» son âme. Erreur. Hérésie. Pour lui, une évidence s'impose Le surnaturel est lui-même charnel/ Et l'arbre de la grâce est raciné profond .../ Et l'éternité même est dans le temporel.» Tout se tient. Tout explique cette Assomption fêtée par Péguy il y a cent ans juste avant de mourir Toute âme qui se sauve aussi sauve son corps/ Toute âme qui se sauve ensauve aussi son corps.»Toutes ces intuitions théologiques ouvrent la porte à une formidable théologie totale de l'espérance» -selon ce que le grand théologien Hans Urs von Balthasar dira de Péguy - qui portera des fruits tout au long du XXe siècle. Étoile du seul Nord dans votre bâtiment. Ce qui partout ailleurs est de dispersion N’est ici que l’effet d’un beau rassemblement. Ce qui partout ailleurs est un démembrement N’est ici que cortège et que procession. Ce qui partout ailleurs demande un examen N’est ici que l’effet d’une pauvre jeunesse. Ce qui partout ailleurs demande un lendemain N’est ici que l’effet de soudaine faiblesse. Ce qui partout ailleurs demande un parchemin N’est ici que l’effet d’une pauvre tendresse. Ce qui partout ailleurs demande un tour de main N’est ici que l’effet d’une humble maladresse. Ce qui partout ailleurs est un détraquement N’est ici que justesse et que déclinaison. Ce qui partout ailleurs est un baraquement N’est ici qu’une épaisse et durable maison. Ce qui partout ailleurs est la guerre et la paix N’est ici que défaite et que reddition. Ce qui partout ailleurs est de sédition N’est ici qu’un beau peuple et dès épis épais. Ce qui partout ailleurs est une immense armée Avec ses trains de vivre et ses encombrements, Et ses trains de bagage et ses retardements, N’est ici que décence et bonne renommée. Ce qui partout ailleurs est un effondrement N’est ici qu’une lente et courbe inclinaison. Ce qui partout ailleurs est de comparaison Est ici sans pareil et sans redoublement. Ce qui partout ailleurs est un accablement N’est ici que l’effet de pauvre obéissance. Ce qui partout ailleurs est un grand parlement N’est ici que l’effet de la seule audience. Ce qui partout ailleurs est un encadrement N’est ici qu’un candide et calme reposoir. Ce qui partout ailleurs est un ajournement N’est ici que l’oubli du matin et du soir. Les matins sont partis vers les temps révolus, Et les soirs partiront vers le soir éternel, Et les jours entreront dans un jour solennel, Et les fils deviendront des hommes résolus. Les âges rentreront dans un âge absolu, Les fils retourneront vers le seuil paternel Et raviront de force et l’amour fraternel Et l’antique héritage et le bien dévolu. Voici le lieu du monde où tout devient enfant, Et surtout ce vieil homme avec sa barbe grise, Et ses cheveux mêlés au souffle de la brise, Et son regard modeste et jadis triomphant. Voici le lieu du monde où tout devient novice, Et cette vieille tête et ses lanternements, Et ces deux bras raidis dans les gouvernements, Le seul coin de la terre où tout devient complice, Et même ce grand sot qui faisait le malin, C’est votre serviteur, ô première servante, Et qui tournait en rond dans une orbe savante, Et qui portait de l’eau dans le bief du moulin. Ce qui partout ailleurs est un arrachement N’est ici que la fleur de la jeune saison. Ce qui partout ailleurs est un retranchement N’est ici qu’un soleil au ras de l’horizon. Ce qui partout ailleurs est un dur labourage N’est ici que récolte et dessaisissement. Ce qui partout ailleurs est le déclin d’un âge N’est ici qu’un candide et cher vieillissement. Ce qui partout ailleurs est une résistance N’est ici que de suite et d’accompagnement ; Ce qui partout ailleurs est un prosternement N’est ici qu’une douce et longue obéissance. Ce qui partout ailleurs est règle de contrainte N’est ici que déclenche et qu’abandonnement ; Ce qui partout ailleurs est une dure astreinte N’est ici que faiblesse et que soulèvement. Ce qui partout ailleurs est règle de conduite N’est ici que bonheur et que renforcement ; Ce qui partout ailleurs est épargne produite N’est ici qu’un honneur et qu’un grave serment. Ce qui partout ailleurs est une courbature N’est ici que la fleur de la jeune oraison ; Ce qui partout ailleurs est la lourde armature N’est ici que la laine et la blanche toison. Ce qui partout ailleurs serait un tour de force N’est ici que simplesse et que délassement ; Ce qui partout ailleurs est la rugueuse écorce N’est ici que la sève et les pleurs du sarment Ce qui partout ailleurs est une longue usure N’est ici que renfort et que recroissement ; Ce qui partout ailleurs est bouleversement N’est ici que le jour de la bonne aventure. Ce qui partout ailleurs se tient sur la réserve N’est ici qu’abondance et que dépassement ; Ce qui partout ailleurs se gagne et se conserve N’est ici que dépense et que désistement. Ce qui partout ailleurs se tient sur la défense N’est ici que liesse et démantèlement ; Et l’oubli de l’injure et l’oubli de l’offense N’est ici que paresse et que bannissement. Ce qui partout ailleurs est une liaison N’est ici qu’un fidèle et noble attachement ; Ce qui partout ailleurs est un encerclement N’est ici qu’un passant dedans votre maison. Ce qui partout ailleurs est une obédience N’est ici qu’une gerbe au temps de fauchaison ; Ce qui partout ailleurs se fait par surveillance N’est ici qu’un beau foin au temps de fenaison. Ce qui partout ailleurs est une forcerie N’est ici que la plante à même le jardin ; Ce qui partout ailleurs est une gagerie N’est ici que le seuil à même le gradin. Ce qui partout ailleurs est une rétorsion N’est ici que détente et que désarmement ; Ce qui partout ailleurs est une contraction N’est ici qu’un muet et calme engagement. Ce qui partout ailleurs est un bien périssable N’est ici qu’un tranquille et bref dégagement ; Ce qui partout ailleurs est un rengorgement N’est ici qu’une rose et des pas sur le sable. Ce qui partout ailleurs est un efforcement N’est ici que la fleur de la jeune raison ; Ce qui partout ailleurs est un redressement N’est ici que la pente et le pli du gazon. Ce qui partout ailleurs est une écorcherie N’est ici qu’un modeste et beau dévêtement ; Ce qui partout ailleurs est une affouillerie N’est ici qu’un durable et sûr dépouillement. Ce qui partout ailleurs est un raidissement N’est ici qu’une souple et candide fontaine ; Ce qui partout ailleurs est une illustre peine N’est ici qu’un profond et pur jaillissement. Ce qui partout ailleurs se querelle et se prend N’est ici qu’un beau fleuve aux confins de sa source, Ô reine et c’est ici que toute âme se rend Comme un jeune guerrier retombé dans sa course. Ce qui partout ailleurs est la route gravie, Ô reine qui régnez dans votre illustre cour, Étoile du matin, reine du dernier jour, Ce qui partout ailleurs est la table servie, Ce qui partout ailleurs est la route suivie N’est ici qu’un paisible et fort détachement, Et dans un calme temple et loin d’un plat tourment L’attente d’une mort plus vivante que vie. II. Prière de demande Nous ne demandons pas que le grain sous la meule Soit jamais replacé dans le cœur de l’épi, Nous ne demandons pas que l’âme errante et seule Soit jamais reposée en un jardin fleuri. Nous ne demandons pas que la grappe écrasée Soit jamais replacée au fronton de la treille, Et que le lourd frelon et que la jeune abeille Y reviennent jamais se gorger de rosée. Nous ne demandons pas que la rose vermeille Soit jamais replacée aux cerceaux du rosier, Et que le paneton et la lourde corbeille Retourne vers le fleuve et redevienne osier. Nous ne demandons pas que cette page écrite Soit jamais effacée au livre de mémoire, Et que le lourd soupçon et que la jeune histoire Vienne remémorer cette peine prescrite. Nous ne demandons pas que la tige ployée Soit jamais redressée au livre de nature, Et que le lourd bourgeon et la jeune nervure Perce jamais l’écorce et soit redéployée. Nous ne demandons pas que le rameau broyé Reverdisse jamais au livre de la grâce, Et que le lourd surgeon et que la jeune race Rejaillisse jamais de l’arbre foudroyé. Nous ne demandons pas que la branche effeuillée Se tourne jamais plus vers un jeune printemps, Et que la lourde sève et que le jeune temps Sauve une cime au moins dans la forêt noyée. Nous ne demandons pas que le pli de la nappe Soit effacé devant que revienne le maître, Et que votre servante et qu’un malheureux être Soient libérés jamais de cette lourde chape. Nous ne demandons pas que cette auguste table Soit jamais resservie, à moins que pour un Dieu, Mais nous n’espérons pas que le grand connétable Chauffe deux fois ses mains vers un si maigre feu. Nous ne demandons pas qu’une âme fourvoyée Soit jamais replacée au chemin du bonheur. Ô reine il nous suffit d’avoir gardé l’honneur Et nous ne voulons pas qu’une aide apitoyée Nous remette jamais au chemin de plaisance, Et nous ne voulons pas qu’une amour soudoyée Nous remette jamais au chemin d’allégeance, Ô seul gouvernement d’une âme guerroyée, Régente de la mer et de l’illustre port Nous ne demandons rien dans ces amendements Reine que de garder sous vos commandements Une fidélité plus forte que la mort. III. Prière de confidence Nous ne demandons pas que cette belle nappe Soit jamais repliée aux rayons de l’armoire, Nous ne demandons pas qu’un pli de la mémoire Soit jamais effacé de cette lourde chape. Maîtresse de la voie et du raccordement, Ô miroir de justice et de justesse d’âme, Vous seule vous savez, ô grande notre Dame, Ce que c’est que la halte et le recueillement. Maîtresse de la race et du recroisement, Ô temple de sagesse et de jurisprudence, Vous seule connaissez, ô sévère prudence, Ce que c’est que le juge et le balancement. Quand il fallut s’asseoir à la croix des deux routes Et choisir le regret d’avecque le remords, Quand il fallut s’asseoir au coin des doubles sorts Et fixer le regard sur la clef des deux voûtes, Vous seule vous savez, maîtresse du secret, Que l’un des deux chemins allait en contre-bas, Vous connaissez celui que choisirent nos pas, Comme on choisit un cèdre et le bois d’un coffret. Et non point par vertu car nous n’en avons guère, Et non point par devoir car nous ne l’aimons pas, Mais comme un charpentier s’arme de son compas, Par besoin de nous mettre au centre de misère, Et pour bien nous placer dans l’axe de détresse, Et par ce besoin sourd d’être plus malheureux, Et d’aller au plus dur et de souffrir plus creux, Et de prendre le mal dans sa pleine justesse. Par ce vieux tour de main, par cette même adresse, Qui ne servira plus à courir le bonheur, Puissions-nous, ô régente, au moins tenir l’honneur, Et lui garder lui seul notre pauvre tendresse. IV. Prière de report Nous avons gouverné de si vastes royaumes, Ô régente des rois et des gouvernements, Nous avons tant couché dans la paille et les chaumes, Régente des grands gueux et des soulèvements. Nous n’avons plus de goût pour les grands majordomes, Régente du pouvoir et des renversements, Nous n’avons plus de goût pour les chambardements, Régente des frontons, des palais et des dômes. Nous avons combattu de si ferventes guerres Par-devant le Seigneur et le Dieu des armées, Nous avons parcouru de si mouvantes terres, Nous nous sommes acquis si hautes renommées. Nous n’avons plus de goût pour le métier des armes, Reine des grandes paix et des désarmements, Nous n’avons plus de goût pour le métier des larmes, Reine des sept douleurs et des sept sacrements. Nous avons gouverné de si vastes provinces, Régente des préfets et des procurateurs, Nous avons lanterné sous tant d’augustes princes, Reine des tableaux peints et des deux donateurs. Nous n’avons plus de goût pour les départements, Ni pour la préfecture et pour la capitale, Nous n’avons plus de goût pour les embarquements, Nous ne respirons plus vers la terre natale, Nous avons encouru de si hautes fortunes, Ô clef du seul honneur qui ne périra point, Nous avons dépouillé de si basses rancunes, Reine du témoignage et du double témoin. Nous n’avons plus de goût pour les forfanteries, Maîtresse de sagesse et de silence et d’ombre, Nous n’avons plus de goût pour les argenteries, Ô clef du seul trésor et d’un bonheur sans nombre. Nous en avons tant vu, dame de pauvreté, Nous n’avons plus de goût pour de nouveaux regards, Nous en avons tant fait, temple de pureté, Nous n’avons plus de goût pour de nouveaux hasards. Nous avons tant péché, refuge du pécheur, Nous n’avons plus de goût pour les atermoiements, Nous avons tant cherché, miracle de candeur, Nous n’avons plus de goût pour les enseignements. Nous avons tant appris dans les maisons d’école, Nous ne savons plus rien que vos commandements. Nous avons tant failli par l’acte et la parole, Nous ne savons plus rien que nos amendements. Nous sommes ces soldats qui grognaient par le monde, Mais qui marchaient toujours et n’ont jamais plié, Nous sommes cette Église et ce faisceau lié, Nous sommes cette race internelle et profonde. Nous ne demandons plus de ces biens périssables, Nous ne demandons plus vos grâces de bonheur, Nous ne demandons plus que vos grâces d’honneur, Nous ne bâtirons plus nos maisons sur ces sables. Nous ne savons plus rien de ce qu’on nous a lu, Nous ne savons plus rien de ce qu’on nous a dit. Nous ne connaissons plus qu’un éternel édit, Nous ne savons plus rien que votre ordre absolu. Nous en avons trop pris, nous sommes résolus. Nous ne voulons plus rien que par obéissance, Et rester sous les coups d’une auguste puissance, Miroir des temps futurs et des temps révolus. S’il est permis pourtant que celui qui n’a rien Puisse un jour disposer, et léguer quelque chose, S’il n’est pas défendu, mystérieuse rose, Que celui qui n’a pas reporte un jour son bien ; S’il est permis au gueux de faire un testament, Et de léguer l’asile et la paille et le chaume, S’il est permis au roi de léguer le royaume, Et si le grand dauphin prête un nouveau serment ; S’il est admis pourtant que celui qui doit tout Se fasse ouvrir un compte et porter un crédit, Si le virement tourne et n’est pas interdit, Nous ne demandons rien, nous irons jusqu’au bout. Si donc il est admis qu’un humble débiteur Puisse élever la voix pour ce qui n’est pas dû, S’il peut toucher un prix quand il n’a pas vendu, Et faire balancer par solde créditeur ; Nous qui n’avons connu que vos grâces de guerre Et vos grâces de deuil et vos grâces de peine, Et vos grâces de joie, et cette lourde plaine, Et le cheminement des grâces de misère ; Et la procession des grâces de détresse, Et les champs labourés et les sentiers battus, Et les cœurs lacérés et les reins courbatus, Nous ne demandons rien, vigilante maîtresse. Nous qui n’avons connu que votre adversité, Mais qu’elle soit bénie, ô temple de sagesse, Ô veuillez reporter, merveille de largesse, Vos grâces de bonheur et de prospérité. Veuillez les reposer sur quatre jeunes têtes, Vos grâces de douceur et de consentement, Et tresser pour ces fronts, reine du pur froment, Quelques épis cueillis dans la moisson des fêtes. V. Prière de déférence Tant d’amis détournés de ce cœur solitaire N’ont point lassé l’amour ni la fidélité ; Tant de dérobement et de mobilité N’ont point découragé ce cœur involontaire. Tant de coups de fortune et de coups de misère N’ont point sonné le jour de la fragilité ; Tant de malendurance et de brutalité N’ont point laïcisé ce cœur sacramentaire. Tant de fausse créance et tant de faux mystère N’ont point lassé la foi ni la docilité ; Tant de renoncements n’ont point débilité Le sang du rouge cœur et le sang de l’artère. Pourtant s’il faut ce jour dresser un inventaire Que la mort devait seule et conclure et sceller ; S’il faut redécouvrir ce qu’il fallait celer ; Et s’il faut devenir son propre secrétaire ; S’il faut s’instituer et son propre notaire Et son propre greffier et son double témoin, Et mettre le paraphe après le dernier point, Et frapper sur le sceau le chiffre signataire ; S’il faut fermer la clause et lier le contrat, Et découper l’article avec le paragraphe, Et creuser dans la pierre et graver l’épigraphe, S’il faut s’instituer recteur et magistrat ; S’il faut articuler ce nouveau répertoire Sans nulle exception et sans atermoiement, Et sans transcription et sans transbordement, Et sans transgression et sans échappatoire ; S’il faut sur ces débris dresser un nouveau code, Et sur ces châtiments dresser un nouveau roi, Et planter l’appareil d’une dernière loi, Sans nul événement et sans nul épisode Nul ne passera plus le seuil de ce désert Qui ne vous soit féal et ne vous soit fidèle, Et nul ne passera dans cette citadelle Qui n’ait donné le mot qu’on donne à mot couvert. Nul ne visitera ce temple de mémoire, Ce temple de mémoire et ce temple d’oubli, Et cette gratitude et ce destin rempli, Et ces regrets pliés aux rayons de l’armoire. Nul ne visitera ce cœur enseveli Qui ne se soit rangé dessous votre conduite Et ne se soit perdu dans votre auguste suite Comme une voix se perd dans un chœur accompli. Et nulle n’entrera dans cette solitude Qui ne vous soit sujette et ne vous soit servante Et ne vous soit seconde et ne vous soit suivante, Et nulle n’entrera dans cette servitude, Et nul ne franchira le seuil de ce palais, Et la porte centrale et le parvis de marbre, Et la vasque et la source et le pourpris et l’arbre, Qui ne soit votre esclave et l’un de vos valets. Et nul ne passera dans cette plénitude Qui ne soit votre fils et votre serviteur, Comme il est votre serf et votre débiteur, Et nul ne passera dans cette quiétude, Pour l’amour le plus pur et le plus salutaire Et le retranchement et le même regret, Et nul ne passera le seuil de ce secret Pour l’amour le plus dur et le plus statutaire, Et l’amour le plus mûr et le plus plein de peine, Et le plus plein de deuil et le plus plein de larmes, Et le plus plein de guerre et le plus plein d’alarmes, Et le plus plein de mort au seuil de cette plaine. Et pour le plus gonflé du plus ancien sanglot, Et pour le plus vidé de la vieille amertume, Et pour le plus lavé de la plus basse écume, Et pour le plus gorgé du plus antique flot. Et pour le plus pareil à cette lourde grappe, Et pour le plus astreint aux treilles de ce mur, Et pour le plus contraint comme pour le plus sûr, Et pour le plus pareil à ce pli de la nappe. Et nul ne passera dans cette certitude, Pour l’amer souvenir et le regret plus doux, Et le morne avenir et l’éternel remous Des vagues de silence et de sollicitude. Et nul ne franchira le seuil de cette tombe, Pour un culte éternel encor que périssable, Et le profond remous de ces vagues de sable Où le pied du silence à chaque pas retombe, Qui ne soit incliné vers vos sacrés genoux Et ne soit sous vos pieds comme un chemin de feuille, Et ne consente et laisse et ne prétende et veuille, De l’épaisseur d’un monde être aimé moins que vous. 1913 BibliObs. Que vous inspire le Péguy journaliste, pamphlétaire Edwy Plenel. Les Cahiers de la quinzaine» forment l’œuvre de Péguy, son œuvre-vie», dont il était le seul maître, comme Maurice Nadeau sera le seul maître de ce qui s’est appelé justement la Quinzaine littéraire». En tant que gérant des Cahiers», Péguy a publié toute sorte d’articles, d’enquêtes. On oublie trop ce qu’il appelait le journalisme de renseignement», gouverné par la fameuse formule Dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, dire bêtement la vérité bête, ennuyeusement la vérité ennuyeuse, tristement la vérité triste». Des articles sur la question coloniale, sur le génocide des Arméniens, les questions internationales, sur la condition des instituteurs, que sais-je. Et cela en plus de la littérature. Et puis, il y a ce qu’écrit Péguy lui-même, et qu’on retrouve dans les trois tomes de la Pléiade. Alors là, ce que j’admire, c’est l’invention formelle. Je suis de ceux qui préfèrent sa prose à sa poésie – non pas que sa poésie soit médiocre, mais elle est plus classique. Sa prose, qui est ruminante, qui ressasse, qui revient par vagues et envolées, est authentiquement inventive et unique. Elle n’a rien de journalistique», de formaté, elle ne répond à aucune exigence de pédagogie», de transmission», et se soucie assez peu du public. Mais c’est un objet formel assez fascinant, et qui va de pair avec sa manière de ne jamais renvoyer de droits d’auteur, de ne jamais faire de citations derrière sa rumination, il y a tout ce qu’il a lu… Ensuite il y a la colère contre son époque, qui est très semblable à la nôtre. Une époque de transition, de révolution industrielle, de spéculation financière, un ébranlement économique, géopolitique, social. Et il est en colère contre l’universelle marchandise. Voilà sa cible l’abaissement dans la marchandise, dans l’argent. Et c’est le socle de sa colère l’universelle marchandise, qui prend tout, qui prostitue tout, qui uniformise tout. La question de son basculement dans le patriotisme et le nationalisme est plus complexe. Il évolue. Je ne suis pas du Péguy de la fin, du Péguy qui envoie Jaurès dans une charrette avec des roulements de tambour, même si, dans cette évolution, Péguy ne cède pas sur l’antisémitisme. Il a écrit des pages sur les Allemands qui sont une vision essentialiste des civilisations, des cultures d’un côté la civilisation, et c’est la France, et d’un autre côté la barbarie, et c’est l’Allemagne. Mais sa colère, le socle de cette colère, n’a pas de postérité politique univoque elle donne aussi bien les nationalistes que les libertaires, et ceux qui résistent contre la servitude. Si Péguy arrivait à Mediapart avec un article, écrit dans son style, le prendriez-vous? Bien sûr ! Vous n’avez qu’à lire ce que nous publions, qui est d’une très grande diversité d’écriture nous sommes dans une culture du free speech. Non seulement je les prendrais, mais on peut dire que les colères péguystes d’aujourd’hui se trouvent plus dans Mediapart que dans les vitupérations de M. Finkielkraut. Propos recueillis par Jacques Drillon Entretien réalisé - comme cet autre avec Yann Moix - dans le cadre de notre enquête sur l'étonnante postérité de Charles Péguy, à lire dans "le Nouvel Observateur" du 13 février 2014.

charles peguy la mort n est rien